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« En parrainant les putschistes d’Afrique sahélienne, la Russie s’offre une nouvelle emprise sur l’Europe : l’émigration »

L’alignement de plus en plus visible sur la Russie des juntes militaires qui ont pris le pouvoir depuis 2020 dans les pays sahéliens francophones – Mali, Burkina Faso, Niger – est généralement analysé en matière d’affaiblissement occidental, de gain d’influence diplomatique et militaire, de pillage économique au profit de Moscou. Mais une autre dimension mérite d’être observée avec attention : en parrainant les nouveaux hommes forts d’Afrique de l’Ouest, la Russie de Vladimir Poutine s’offre un nouveau type d’emprise sur l’Europe occidentale : l’émigration.
A cet égard, l’événement marquant que constitue la brutale éviction du millier de soldats américains basés à Agadez (Niger), signifiée, samedi 16 mars, par la junte nigérienne du général Abdourahamane Tiani, ne peut passer inaperçu. Le sens du camouflet infligé aux Etats-Unis par le nouveau maître du pays, au pouvoir depuis juillet 2023, en refusant de recevoir deux hauts responsables de l’administration Biden, est clair. Jusqu’au putsch qui a conduit au départ des soldats français en décembre, le Niger apparaissait comme le dernier pays de la région à accepter d’accueillir des militaires occidentaux. Il était aussi l’un des rares à collaborer avec l’Union européenne (UE) sur la maîtrise des flux migratoires. C’est désormais un allié revendiqué de la Russie.
Certes, les jeunes Africains aux prises avec l’extrême pauvreté et l’absence totale de perspectives n’ont nul besoin de la « main de Moscou » pour prendre la route et la mer vers le nord, comme en témoigne la forte poussée des arrivées en 2023 via l’Espagne, l’Italie ou la Grèce. Et les nouvelles autorités nigériennes n’ont pas attendu l’annonce, en janvier, de l’« intensification » de leur coopération militaire avec la Russie, pour abroger, en novembre 2023, la loi de 2015, adoptée sous la pression de l’UE, qui pénalisait le trafic illicite de migrants. Depuis lors, l’oasis d’Agadez, capitale touareg et carrefour des migrations, a pu redevenir le centre des fructueuses transactions liées aux passages, qu’elle avait cessé d’être depuis la loi de 2015. Si cette politique de réouverture des migrations traduit le souhait des nouvelles autorités de satisfaire des Touareg en froid avec la junte, elle constitue aussi un défi envers l’UE.
Avec le basculement du Niger, Vladimir Poutine dispose, après la Centrafrique, le Mali et le Burkina Faso, et sans compter les zones de l’Est libyen contrôlées par son allié le maréchal Haftar, d’un nouveau relais dans un pays d’émigration, au surplus, un Etat pivot de certaines routes de départ.
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